"Ça va swinguer dans les bermudas !" - Boogie

Ma p'tite vie dites-vous ? Mh, ouais, je veux bien la raconter. J'ai un talent fou pour les histoires ! Ne faites-pas cette tête, il ne me manquerait qu'une pipe en bois et une bonne rocking chair pour que tout soit parfait...

Alors voilà... le bon vieux Boogie, il est né dans un élevage. Un élevage de bulldogs de Los Angeles, qui marchait plutôt bien 'faut dire. Pourtant, même ainsi, tous mes frères et sœurs partirent avant moi. J'avais beau user de mes charmes, remuer la queue en aboyant gaiement, rien n'y faisait. Peut-être étais-je jugé trop bien pour eux, qui sait ? Un beau jour, je surpris la conversation de mes maîtres. Les affaires allaient, semble-t-il, de mal en pis. Quelques jours après cette nouvelle, une pancarte fut plantée devant mon enclos, il y était inscrit : "adoption urgente". Le regard éteint de mes éleveurs ne présageait rien de bon et c'est à ce moment-là que je perdis tout espoir.

Heureusement, la famille Newton s'aventura non loin de là et, tombant sur cette même pancarte, se prit d'affection pour moi. Mon triste sort les avait touché. Les enfants chahutaient bruyamment tout en me pointant du doigt :

- Maman, papa, si on adoptait ce gros patapouf ?

"QUOI ? PATA-QUOI ?"

Je hochais la tête jusqu'à cette qualification grossière. Je me mis à virer au rouge pivoine. Comment osait-elle ?

- Eh bien...

- DITES OUIIIIIIII.

- Bon... très bien ! Nous vous l'avions promis. Mais il faudra vous en occuper, n'est-ce-pas les enfants ?

- C'est promis maman !

- Dans ce cas, chéri, veux-tu aller voir ces gens ?

Son époux, plutôt grand et avenant, l'embrassa sur la joue avant de se diriger vers la maison, non loin de mon enclos. Quelques jours plus tard, je fis officiellement partie des Newton. Ils étaient bons, si bons avec moi ! J'avais une montagne de jouets, des pâtés si délicieux que tous les chiens du quartier me jalousaient ! Ah... je menais vraiment une vie de rêve, les coussinets en l'air, les babines moussantes.

Puis, sans crier gare, le destin se joua de nous. Alors qu'ils s'étaient absentés de la maison pour rendre visite à des amis, ils eurent un accident. Tous y perdirent la vie, sauf mon maître, Robinson. Dans ces moments-là, le deuil est très lourd, je ne savais pas comment me comporter. Le coller ? Le laisser seul ? Lui amener ma laisse dès qu'il se sentait décliner ? Je me disais que ce serait une étape à franchir et qu'ensemble, nous y arriverions. Malheureusement, ce ne fut que le début d'une longue, très longue descente aux enfers.

Petit à petit, mon maître perdit son travail, coupa les ponts avec son entourage, se mit à la bouteille... je ne le reconnaissais plus. Jusqu'à ce que le pire se produise : nous étions à la rue, jetés du logis comme des malpropres. Les huissiers s'étaient emparés de tous nos biens, y compris de mes biscuits, c'est dire. Ses yeux devinrent vides, comme si son âme s'était glissée hors de sa carcasse branlante et frêle.

Les jours se succédèrent et la Terre continua de tourner, en dépit des récents événements. Afin de le soulager, j'allais et venais dans les rues, cherchant dans les poubelles quelques vivres. L'odeur me donnait des haut-le-cœur mais c'était ça... ou rien. Le plus dur fut sans doute le poids des regards, les passants nous dévisageant, déshumanisant Robinson et foutant parfois des coups de pied dans mes flancs grelottants.

Le temps fut notre seul remède. Le temps et... les rencontres. Au détour d'une ruelle, je fis la connaissance des Raw. Ces animaux errants m'acceptèrent parmi eux, ma petite vie les intriguant fortement (tout comme mon aura charismatique). Grâce à eux, je pus dégoter une nourriture plus saine, quelques vêtements même troués ainsi qu'un abris de fortune les jours de pluie. Je ne les remercierai jamais assez pour leur aide, pour leur dévouement.
J'étais des leurs, passant désormais le plus clair de mon temps à leurs côtés. Bien sûr, je n'oubliais pas mon maître. Je ne l'oublierai jamais. Après tout, ne suis-je pas son fidèle bras droit ?

Cette canaille de Wooky fut également un pilier dans ma "convalescence". On se rencontra sur mon trottoir, lorsque ma radio diffusait "I've got you under my skin". Ce fut une révélation. Dansant et chantant à tue-tête, on se découvrit une complicité sans pareille. Ensemble, nous fîmes les 400 coups. Une nouvelle vie commençait. Une vie sans promesses mais une vie colorée, vive. Une vie où tout était possible.