Itak [ Raw ]

Pedigree aussi pur que le collier de diamant que portait ses aïeux, il semblerait qu'Itak ait perdu le sien... De collier. Car en ce qui concerne ses gênes, ces derniers demeurés indemnes sont les acteurs de sa fierté comme de sa perte. En effet, si jadis les siens étaient considérés comme des êtres royaux, dignes de siéger auprès des plus grands acheteurs, une coupure arriva on ne sait trop comment, bien que le pourquoi soit évident: l'argent. La grand-mère ou l'arrière grand-mère (allez savoir.) d'Itak fut acquise chiot par un être sans scrupule qui aimait la société. Une société de sur-consommation fermant les yeux sur l'origine d'une beauté étrangement facile à avoir. A l'époque, les éleveurs avaient à coeur de sélectionner, de n'accepter que l'élite dans leurs rangs et d'offrir en remerciements à ces chiens prêtant leur perfection, une vie royale...

Époque de rêve retournée à son état d'origine... Le rêve justement. Ses paupières croûtées, la pauvre Barzoï au poil collé sur son ventre gonflé ne pouvait qu'imaginer son enfance dorée déjà oubliée. Numéro anonyme dans une usine de chiots, elle enchaînait les portées, promise à la mort... Ou plutôt à la libération dans son cas dès ses 6 ans d'un cancer des mamelles. L'éleveur toutefois, chérissait à sa façon cette lignée particulière qu'il avait acquise à bas prix des mains d'une bourgeoisie décadente. Ainsi, malgré quelques portées honteusement croisées, vendues à des imbéciles, il chercha de beaux spécimens pour la mère d'Itak qui pris la suite de sa génitrice, dans la même cage. Parmi les chiots au sang frauduleux, naquit donc une portée dans laquelle Raul avait mis beaucoup d'espoir. En cette période de faste, pris par une étrange envie de "bien faire", il avait payé le sperme d'un sublime barzoï de Russie, multiple champion de concours, libre des habituelles maladies génétiques.

Grande fut sa joie lorsque les bébés naquirent, certains, comme Itak sortant du lot... Et aussi grande fut sa rage lorsqu'il ne put vendre les bébés aussi chers que prévu. Sans label de qualité, ni même reconnaissance du public, comment espérer refourguer des chiots à des prix faramineux, et ce malgré leurs origines prouvées ? Décidé à changer cela, l'homme garda un mâle, le meilleur parti d'après plusieurs spécialistes, eux aussi payés très cher. Appâté, l'empâté mercenaire s'était laissé séduire par les deux des projecteurs, les beaux concours, les pistes luisantes et les redingotes sur-mesure. Lui aussi désirait être un grand, et pour se faire, s'il le fallait, il tricherait un peu. Juste un peu. Il avait le sang, qu'importait les conditions ?

Itak suivit donc la tradition familiale, grandissant dans la cage de feu sa mère -décédée durant l'accouchement à l'âge de 7 ans, déjà épuisée par des dizaines de portées.- et de sa grand-mère, le numéro 66. Il devint un adolescent renfermé, triste et terriblement peureux, souillé, plein de croûtes et de tiques. A 1 an, tandis que son maître voulait prématurément le faire se reproduire avec une chienne de son âge, le mâle renâclait tant qu'il lui était impossible de faire son travail. On eu beau le tenter, le piquer avec des produits sensés réveiller son envie, impossible. Tout ce que faisait le Barzoï, c'était trembler sur ses pattes, ne tombant pas pour la simple et bonne raison qu'il craignait plus de se faire rabrouer que de choir sur le sol dégoûtant de sa cage où il aurait aimé se fondre.

Un jour dans cette prison désormais silencieuse où les animaux se mourraient, finalement délaissés par un éleveur au bord de la faillite, le soleil entra. Itak se cacha dans un recoin de sa cage, mais il fut attrapé par un lasso et traîné dehors. Le sol propre l'effrayait, il ne comprenait pas d'où venait cette brillance, et encore moins pourquoi ses griffes trop longues ne collaient pas par terre. L'herbe qui bougeait, les insectes, et surtout ces hommes desquels émanaient des sons doux le terrifiaient. Le chien était dans un tel état qu'il reçut des soins sur place, dans l'hôpital sur roues de l'association "Le droit de Vivre". On lui fit la toilette, retira ses tiques-il en avait peu car ces dernières se mourraient dans l'humidité de la cage et n'avaient rien à manger sur son squelette.- le brossa et on lui coupa ses griffes vraiment longues. Profitant qu'on lui retire le lasso, l'animal s'enfuit à toutes pattes, du pas dégingandé que lui permettait ses flancs sans muscles.

Le chiot fut découvert par un vieux croisé fox terrier alors qu'il se terrait à côté d'une poubelle sans en manger le contenu, malgré sa faim. Le vieux loustic l'aborda en souriant, lui demandant si monsieur était du grand monde pour refuser ainsi toute la bonne bouffe qui s'offrait à eux. L'ancien versa le contenu devant le jeune démuni et sans mot dire, ils s'offrirent un gueuleton royal. Jour après jour, le petit se renforça, il faut dire que Cortis n'offrait que peu de répit au Barzoï. Si ce dernier avait peur, il devait passer devant coûte que coûte pour espérer rejoindre son mentor qui ne l'aidait pas. Les deux errants marchaient des heures chaque jour pour trouver pitance, et ce malgré les coussinets fendillés d'Itak. Cortis lui enseigna à dépasser sa terreur des hommes en dérobant des saucisses et autres délices, lui démontrant combien ces imbéciles étaient lents, le tout étant de viser ceux qui n'avaient ni lasso, ni fourgonnette. La seule hésitation que le Barzoï avait encore était le passage devant des maisons portant le numéro 66 ou toute autre chose ayant ces deux mêmes chiffres à suivre, inexplicablement.

Dans les rues, Itak put voir toutes sortes de chiens sous l'égide du vieux fox au statut, qui sans être spécialement confortable, lui assurait toutefois le respect de la majorité des meute. Son regard miel était cependant attiré par ceux sur qui Cortis crachait, les beaux animaux au poil lourd et aux colliers étincelants. Parfois, le jeune mâle se demandait ce que ça ferait d'avoir un humain à son service avant que son mentor lui rappelle ce qu'ils lui avaient fait-même s'il ne connaissait pas l'histoire entière.- et Itak quittait du regard le magnifique caniche royal au poil soyeux d'un air grognon.

Finalement, à l'aube des deux ans du Barzoï, Cortis mourut d'un peu de tout, de vieillesse, de carences, de maladie... Bref, le résultat était le même: un cadavre gisant sur un couvercle de poubelle qu'il avait ouvert pour entamer son dernier repas. Au moins, il était parti en faisant ce qu'il préférait: remplir son estomac. Ne pouvant demeurer seul dû à son jeune âge, Itak essaya d'intégrer une de ces fameuses meutes même si Cortis se tenait à l'écart. Il finit par se plaire parmi les Raws et fit tout pour parvenir à trouver sa place. Finalement, ce fut cette sveltesse dont on se moquait qui l'aida, lorsqu'après un an d'efforts, l'animal parvint à obtenir le rôle de Spire. Il s'était alors totalement remusclé, magiquement libre de toute infection comme l'avaient révélé ses analyses de sang à ses sauveteurs. Entre temps, le chien flânait souvent autour des beaux quartiers, il faisait les jolis coeurs même si dans un premier temps, il avait très peu de succès à cause de son état.

Une Caniche royale envieuse de s'encanailler un peu fricota un temps avec lui. Rien de bien méchant vu qu'il avait deux ans et demi seulement, et qu'elle-même en avait 7 tout en étant stérilisée. Elle lui enseigna comment éviter les tiques, des méthodes de beauté naturelle -même si ça signifiait se rouler dans la boue ou se laver comme des humains, dans des produits dérobant votre odeur corporelle.- A force de prendre soin de son pelage chaque jour, de trier sur le volet ce qu'il mangeait -s'affamant d'autant plus donc.- le Barzoï obtint un pelage curieusement resplendissant. De plus, son acceptation dans la plus grosse Meute d'Hollywood lui permettait d'avoir accès à un brin de confort. Poussant le culot jusqu'à infiltrer quelques petits concours en se glissant auprès d'hommes, comme s'il était leur animal -cela deviendrait sa spécialité.- le Barzoï parvint à ce qu'on lui passe ses caprices vu qu'il rapportait de l'excellente nourriture, volée dans ces mêmes concours. Oh, il était déjà revenu boiteux de l'une de ces florissantes compétitions, et bredouille, car on ne peut pas toujours gagner, mais déjà, le style d'Itak se dessinait.

Piochant dans les croquettes haute gamme des jolies femelles de riches qui s'ennuient et aiment les conversations raffinés, Itak est devenu un animal à double vie, qui erre dans la rue, les quartiers riches, fuyant comme les siens la fourrière. Néanmoins, il semble se moquer d'eux, tandis qu'il rejoint la meute pour délivrer messages et commissions au nom de sa chef Blur, sans jamais discuter sa domination. Débonnaire et joyeux, trop heureux de ne pas avoir plus de responsabilités, du moment qu'on lui laisse continuer son petit train-train, il n'avais pas essayé de lui voler la vedette. La trouvant d'ailleurs très intéressant et plutôt cultivée, il essaye même de lui arracher quelques temps seul à seul, avec toujours ce petit jeu de charmeur. En tout bien tout honneurn évidemment.