[Terminé] La princesse et son chevalier - Sven

La princesse et son chevalier - avec Sven

C'est un désastre. Cela fait plusieurs mois que j'ai enfin réussi à gagner ma liberté, mais je n'ai toujours pas retrouvé un abri décent où dormir et stocker mes provisions. Où que j'aille, c'est la même chose : je trouve un endroit correct, je m'y installe, je reste quelques jours, je pars pour chercher de la nourriture un peu plus loin et quand je reviens, d'horribles rats ont élu domicile à ma place. Et comme il est hors de questions que je salisse ma belle fourrure en me battant avec eux, je préfère passer mon chemin et chercher autre chose.

Mais aujourd'hui, je suis fatiguée de ce train-train. J'aimerais avoir un endroit rien qu'à moi, où je pourrais me reposer et me sentir en sécurité sans craindre qu'une autre bête ne vienne m'importuner. Malheureusement, je n'ai rien trouvé qui corresponde à mes attentes, pour le moment. Je me contente donc de me rouler en boule dans des zones à peu près sèches, le soir, quand la fatigue l'emporte sur ma fierté.

Pour le moment, je suis blottie dans un carton, posé dans une ruelle peu accueillante. Hier soir, quand je suis arrivée là, je cherchais seulement un endroit un peu à l'écart de cette rue pleine d'étoiles et d'humains. Je n'ai pas cherché à savoir où je mettais les pattes, j'étais trop fatiguée.

Mais je me rends compte à présent que l'endroit n'est pas aussi calme que je croyais. J'entends des bruits au-dessus de ma boîte, des animaux qui fouillent dans les ordures et qui parlent entre eux. J'essaie de me rendormir en plaquant mes oreilles contre mon crâne. Ils ne peuvent pas aller faire du bruit ailleurs ?!

Soudain, je sens un poids atterrir sur mon abri de fortune. Vive comme l'éclair, je bondis hors de ma cachette avant de me faire écraser par je-ne-sais-quoi. La surprise et la colère me font exploser avant que j'aie le temps de lever les yeux sur le responsable de mon réveil brutal.


Quand je vois ce qui trône à présent sur mon carton, je me tais. Un chat. Rachitique. Puant. Mais ses yeux dorés me fixent, d'abord avec incompréhension, puis avec envie. Dans les ordures derrière lui, je distingue au moins deux autres matous. Mais eux ne semblent pas m'avoir vu.

La terreur me serre la gorge et me tétanise. Ce n'est qu'au moment où le chat me lâche du regard pour avertir ses amis que mon corps se remet en marche. Je m'élance dans la direction opposée, vers la rue bondée. J'entends derrière moi les trois chats qui réalisent ce qui se passe et se lancent à ma poursuite.

Quand je débouche sur la rue des étoiles, je m'élance sur la gauche, zigzagant entre les passants, cherchant un abri minuscule où je pourrais me cacher. Oubliée, ma fatigue. Oubliée, la faim qui me ronge les entrailles. Mon seul objectif à présent est de trouver un lieu sûr... et de sortir de cette course poursuite vivante.

Bon sang, j'ai beau courir comme une folle, je ne trouve aucun lieu pour me cacher. Je ne ralentis pas la cadence mais je commence à me fatiguer. Et ces foutus chats ne me lâchent pas ! Il faut que je trouve quelque chose ou alors...

La vue d'une imposante masse de poils devant moi me fait freiner, autant pour éviter de rentrer dedans que par peur. Il s'agit d'un énorme chien blanc, à l'air impassible. Depuis ma rencontre avec l'autre chien roux, je me méfie de ces animaux.

Quand celui-là pose les yeux sur moi, je sens un grand froid dans mon estomac. Est-ce qu'il va me manger ? L'espèce de sourire qu'il m'adresse ne me rassure pas vraiment, mais je ne bouge pas d'un poil quand le canidé me déplace avec sa patte. La peur et la fatigue m'immobilisent. Je ne me sens plus la force de me remettre à courir.

Quand les chats arrivent, le gros chien se met entre eux et moi et les fait fuir sans difficulté. Il lui suffit de montrer ses dents et de grogner pour qu'ils fassent demi tour. Je profite de ses quelques secondes d'inattention pour chercher un refuge autour de moi, où le chien ne pourra pas m'atteindre. Mais je ne trouve rien à ma portée.

Quand je reporte mon attention sur le chien, je constate qu'il a le regard posé sur moi. Je me fige, attendant de voir s'il va me croquer. Je ne le quitte pas du regard et essaie de rassembler mes forces pour m'enfuir. Mais il est si grand que je ne pense pas que je pourrais m'échapper.

Cependant, comme le canidé ne fait aucun geste menaçant vers moi, je finis par lui demander d'une petite voix faible.


L'épuisement me fait perdre mon côté princesse. Dans l'immédiat, je cherche seulement à me sortir de cette situation. Si ce chien ne veut pas me manger, je pourrais repartir me cacher et essayer de reprendre des forces. Mais je ne suis pas encore sûre de ses intentions. Après tout, il a très bien pu faire fuir les chats pour me croquer à leur place.

Ma question semble faire réagir le gros chien. Est-il surpris ? Amusé ? Agacé ? Difficile à dire, vu que le personnage ne laisse pas ses émotions transparaître sur son visage. Il m'assure qu'il ne mange pas de rongeurs, mais j'ai quand même du mal à me sentir complétement rassurée.

D'un autre côté, un petit rongeur comme moi pour un gros chien comme lui, ça ne doit pas être très intéressant, nutritivement parlant. Il doit certainement manger beaucoup plus. Je me calme un peu plus, mes muscles se détendent peu à peu. Si ce chien ne me veut pas de mal, pas la peine d'être sur le qui-vive constamment.

Lui-même se met à l'aise, s'asseyant au milieu de la rue. J'allais le remercier avant de poursuivre mon chemin quand il reprend la parole. Il prétend avoir été impressionné par ma vitesse et il semble avoir une proposition à me faire. Je ne tiens pas compte du surnom grotesque qu'il m'a donné et réfléchis à ses paroles.

Intéressant. Il ne m'a donc pas porté secours par pur altruisme, mais parce que je présente un intérêt pour lui. Ça me donnerait presque envie de rire. Si on m'avait dit qu'un animal aussi imposant puisse avoir besoin d'un petit gabarit tel que moi... Mais, au lieu de sourire, je me contente de répondre à sa requête, simplement.


Je l'imite et m'assoit à même le sol, en face de lui, le museau levé vers le sien. J'ignore en quoi ma rapidité peut être utile au canidé blanc, mais si je peux gagner sa confiance et sa protection, ce serait un grand avantage pour moi.

J'écoute avec une attention non feinte les paroles du chien. Ainsi, deux meutes se partagent la ville et il souhaite que j'intègre la sienne. En tant que Spire. Drôle de nom, mais je ne suis pas là pour me plaindre de mon potentiel futur ''titre''.

La proposition m'a l'air intéressante jusqu'au moment où le chien décrit les missions propres aux Spires : faire diversion et porter des messages. L'idée de servir de liaison entre les différents membres de la meute ne m'enchante pas vraiment, mais l'autre mission me paraît franchement limite.


Ce constat m'ennuie profondément. Certes, en rejoignant la meute, je bénéficierai de la nourriture que les autres trouveront, j'aurai de grands animaux comme celui-là pour me défendre, je pourrai dormir au sec et en sécurité tous les soirs... Mais en contre partie, je devrai courir, encore et toujours, pour éloigner les autres animaux errants du groupe. Et ainsi je serai aux premières loges si quelque chose se passe mal.

Je suis interrompue dans mes pensées par les paroles suivantes du chien. Je cligne plusieurs fois des yeux avant de réagir par la voix.


Drôle de façon de se présenter, mais que pouvais-je attendre d'autre venant d'un animal qui semble avoir passé la plus grande partie de sa vie dans la rue ? Je ravale ma condescendance et me présente également.


Les présentations étant terminées, je retourne à mon dilemme. C'est à ce moment-là que mon estomac décide de se rappeler à moi et se met à gargouiller. Pas très fort, mais c'est suffisant pour me rappeler combien j'ai faim. Et je ne refuserais pas non plus quelques heures de repos dans un endroit calme et sûr.

La tentation d'accepter la demande du chien est forte, mais je ne suis pas encore certaine de mon choix. Une idée me vient alors.


Je repense au chien que j'ai croisé l'autre jour. Peut-être que Sven ne mange pas de petites bestioles comme moi, mais d'autres le feraient peut-être. Et si je me retrouve au milieu de plusieurs animaux hostiles, je n'aurais fait qu'aggraver ma situation. J'espère que poser quelques questions à Sven me permettra de m'aider dans mon choix.

Le grand chien blanc essaie de calmer mes craintes en m'expliquant que certains animaux, les Gardiens, servent précisèment à protéger la meute de ses adversaires. Je pourrais donc compter sur eux en cas de pépin. Ou demander une escorte, mais je rejette immédiatement cette solution dans mon esprit. Je ne veux pas qu'on me prenne pour un animal faible. Si je dois courir pour éloigner des animaux stupides de notre meute, hé bien, je le ferai. Mais seule.

L'idée de rejoindre ce groupe d'animaux commence à se faire une place dans mon esprit, lentement. Si je les rejoins, je serais en meilleure condition, et j'aurais donc moins de mal à échapper aux prédateurs. Et je trouve que ce chien – pardon, Sven – est très bon avec moi. Il semble se soucier de moi et me propose même sa protection si jamais les choses ne tournaient pas rond. La situation semble bien se profiler pour moi. Et en plus, il m'appelle ''princesse'' !

D'après ce que je comprends, il y a surtout de gros animaux dans cette meute. C'est à la fois un avantage – je serai bien protégée – et un inconvénient – tous les autres membres peuvent avoir le dessus sur moi. Mais si Sven se porte garant de ma sécurité... qu'est-ce que je risque ?

Je m'autorise quelques instants de réflexion puis, quand j'ai décidé que le grand canidé blanc a suffisamment attendu, je relève le museau dans sa direction, debout sur mes pattes arrière.


Je sens un poids s'envoler de mon estomac, mais j'ai quand même une légère crainte. Comment savoir quel accueil vont me réserver les autres membres de la meute ?

Mais pour le moment, je suis avec un animal amical, qui a accepté de me protéger. Donc pas la peine d'avoir peur.


Je n'avais effectivement pas eu le temps de le remercier dignement pour la fuite des félins. Décidément, cette journée est pleine de surprises ! Peut-être que ce soir, je serai au milieu d'un grand groupe d'animaux, à l'abri et le ventre plein !

Sven semble heureux de ma décision, au moins un peu, car il bat légèrement de la queue. Je lui accorde un joli sourire. Ce chien est bien plus agréable que celui que j'ai rencontré l'autre jour !

Il me propose ensuite de le suivre et, malgré une légère grimace, je le suis sans rien dire. Je suis encore fatiguée par ma fuite mais si je ne me mets pas en marche immédiatement, je vais rapidement le perdre de vue. Mais au bout de quelques instants, Sven me propose de monter sur son dos. Décidément, qu'il est prévoyant ! J'accepte volontiers sa proposition et grimpe rapidement sur son échine – c'est plutôt facile car il a des poils très longs.

Quand il se relève, je prends un peu peur, pendant quelques instants. Je n'ai jamais été aussi haut ! Dans la maison de mes maîtres, j'étais toujours en cage, même pendant les déplacements, et je n'étais jamais en hauteur. Alors que là... ! Ma peur laisse peu à peu place à l'émerveillement. J'ai l'impression que je peux voir le monde entier !

Une fois que je me suis un peu calmée, je reporte mon attention sur Sven.


Il m'avait paru rustre au premier abord, mais j'ai l'impression qu'il est bien plus prévoyant et attentionné, au final. Bien plus que l'on peut s'y attendre de la part d'un chien des rues, en tout cas.

J'écoute sans un mot l'histoire de Sven, assise sur son dos, le museau au vent. Ainsi, il n'a pas toujours vécu dans la rue. Cela explique en partie ses manières.

Quand le grand chien blanc m'annonce abruptement que son maître est mort, je reste coite pendant un instant. Je ne pensais pas... Le ton de Sven n'a pas changé, mais je ne pense pas que la mort de son maître le laisse totalement indifférent. Même moi qui ai préféré m'enfuir plutôt que de continuer à vivre ma petite vie douillette, j'ai encore un pincement au cœur en pensant à ma maîtresse. Si elle venait à disparaître... je crois que je serais inconsolable.


Le silence retombe entre nous avant que Sven ne reprenne la parole. Je suis surprise d'apprendre qu'il a eu des difficultés à s'adapter. Je pensais qu'un grand gabarit comme lui n'aurait pas de mal à se faire une place dans cette ville gigantesque. Mais j'avais tord, semble-t-il.

La question du canidé me prend un peu au dépourvu. Mes pensées commençaient à errer un peu trop loin et j'avais perdu le fil de la conversation. Mais je me ressaisis très vite.


En y repensant, je pense que j'étais un peu trop confiante, à l'époque. Je n'avais pas compris que certains animaux chercheraient à me manger, qu'ils ne seraient pas tous des gentils petits animaux de compagnie gambadant dans la rue. Mais, rétrospectivement, je pense que je m'en suis bien tirée. J'ai su éviter les pièges de la rue et subvenir à mes besoins. Et aujourd'hui, je choisis de jouer la sécurité en m'alliant à un groupe d'animaux plus forts que moi.

Sven me remercie simplement, ce qui ne fait que confirmer mon hypothèse. Si la disparition de son maître le laissait insensible, il ne m'aurait certainement rien répondu.

Je hoche le museau à l'écoute des paroles du chien. Oui, les humains peuvent se montrer très stupides parfois, choisissant d'adopter un animal alors qu'ils ne savent pas s'en occuper correctement.


Je sens la colère monter en moi, je préfère donc me taire avant d'ajouter quoique ce soit d'autre. Après tout, à quoi bon déverser ma rancoeur devant Sven ?

Mon garde du corps me fait l'éloge de son territoire, m'expliquant combien lui et les membres de la meute sont bien ici et comme il est facile de trouver de la nourriture. En regardant autour de moi, je dois bien avouer que je ne vois que des humaines joliment vêtus et de grands magasins chics. Les humains qui vivent dans ce genre d'endroit laissent en général des montagnes de nourriture dans les poubelles, plutôt occupés à acheter des jolies choses inutiles à se mettre sur le dos.

Finalement, le chien s'immobilise devant une ruelle et m'annonce que nous sommes arrivés. Je me laisse glisser le long de son corps puis saute pour atterrir adroitement au sol. Je tends le museau vers la rue, méfiante.


Je tends le cou pour apercevoir les autres animaux. Je pensais qu'ils vivaient dans un endroit bien plus grand que ça, et bien moins propice aux embuscades. Je ne sais pas si j'ai envie de m'aventurer là dedans alors que je ne sais pas qui se cache dans l'ombre.